Danse du Léopard ouvrit les yeux. Elle était enfin redevenue guérisseuse. La veille, Étoile des Sables étaient revenue avec le verdict du Clan des Étoiles: elle pouvait reprendre sa place, mais ses petits resteraient à la pouponnière. Elle était triste en tant que mère, mais en même temps, elle ressentait une sorte de soulagement: c’était le meilleur choix pour ses petits que de rester au milieu des autres reines et chatons et de grandir comme des chatons normaux. Des chatons qui ne seraient pas le fruit d’une union interdite allant à l’encontre du code du guerrier et du guérisseur.
Il te faut passer à autre chose désormais, Danse du Léopard, se dit-elle. Alors elle ouvrit les yeux, d’abord éblouie par la lumière. Puis elle s’étira de tout son long, son corps élancé reprenant graduellement ses forces, et se lança au milieu du camp. À cette heure, les guerriers organisaient les patrouilles avec le lieutenant et donnaient les consignes à leurs apprentis tandis qu’Étoile des Sables se reposait sans doute de son long voyage de la veille.
Lorsqu’elle apparu dans la combe, quelques regards se tournèrent vers la guérisseuse, accompagnés de quelques murmures discrets, d’autres moins. Elle savait pertinemment ce qu’ils disaient. Ils portaient sur elle et ses chatons. Elle en fut d’abord blessée mais se remémora ses pensées. Maintenant qu’elle avait reprit son post, elle ne pouvait rester focalisée sur le passé! Il fallait agir.
Danse du Léopard leva donc la tête, fière et indifférentes aux remarques de son clan et alla trouver quelques camarades afin de discuter avec eux. Certains semblaient un peu gênés au premier abort, puis au fil de la discussion, ils oublièrent vite les étonnants faits concernants la guérisseuse: ce n’était sans doute qu’une question de temps avant que cette histoire soit oubliée et remplacée par un autre fait-divers.

Lorsque le soleil fut haut dans le ciel, annonçant l’heure de midi, la guérisseuse n’en revenait pas: tant de choses s’étaient passées pendant son absence! Une guérisseuse l’avait succédé mais avait disparu pour être remplacée par Toile d’Araignée, une mystérieuse maladie avait bousculé la vie des Clans et des chats s’étaient rendus dans les montagnes pour y vivre et y former deux tribus. Là-bas, ils y avaient trouvé le remède à cette maladie, une étrange fleur guérissant ses mots.
La femelle tachetée était intriguée. Ces montagnes semblaient fascinantes! Et si cette nouvelle plante avait été découverte, peut-être y en avait-il d’autres? Et peut-être qu’en cette cruelle saison qu’était l’hiver, ces énormes étendues de roches cachaient des plantes encore vivantes? Son coeur palpitait. Elle qui n’avait jamais vraiment rêvé d’aventure était pour la première fois de sa vie obnubilée par un territoire qu’elle rêvait d’arpenter. Mais elle se souvenait de ses deux pauvres lunes passées en solitaire avec ses chatons. Si elle n’était pas revenue si « tôt », elle y aurait surement laissé sa peau et celle de ses petits. Hors d’un Clan et sans la vie en communauté pour se protéger et s’entre-aider, Danse du Léopard ne valait pas grand chose… Alors elle se mit à chercher un guerrier qui accepterait de l’accompagner: en vain. Territoires trop dangereux, manque de temps ou tout simplement de confiance envers la jeune mère, les raisons qui les en empêchaient étaient multiples. La guérisseuse se raisonna: les guerriers étaient essentiels au Clan, surtout en ces temps, il n’était pas question d’en ôter un supplémentaire au Clan du Tonnerre! Et si Toile d’Araignée, de par son passé de guerrière était une combattante et chasseuse confirmée, il était impensable de la faire quitter le Clan: si Danse du Léopard partait quelques jours le temps de cette exploration, il fallait au moins qu’une guérisseuse reste veiller au camp. Les deux ne pouvaient pas s’absenter ensemble aussi longtemps!
Déçue, la guérisseuse mit cette idée stupide de côté et reprit sa vie tranquille de guérisseuse… Pendant quelques jours seulement.

Sans doute à cause du froid de l’hiver et l’absence de sa mère, Petit Tigre avait une légère respiration sifflante, signe de la préparation d’un éventuel mal blanc, qui pouvait évoluer en maladie plus grave: le mal vert. Bien que l’on se tuait à lui dire qu’il ne fallait pas s’inquiéter davantage, que son petit était entre de bonnes pattes, sous surveillance, rien n’y fit. Entêtée par sa nature de mère, Danse du Léopard ne pouvait rester là à rien faire, alors elle s’élança dans sa tanière, avala rapidement les plantes et se dirigea vers cette sombre grotte aux blaireaux… sans aucun plan en tête.
Parvenue devant cette étrange tanière de pierre, la guérisseuse avait perdu une bonne partie de son entrain. Malgré la réputation de ce lieu, la chatte s’imaginait autre chose. Ou en tout cas, quelque chose d’un peu plus accueillant - sans pour autant exiger des guirlandes de lierre, bien-sûr, mais l’endroit était tout de même très, très sombre et dérangeant.
Au début, elle n’entendait rien d’autre que le silence. Cependant, si l’on tendait l’oreille, on pouvait percevoir le faible écho de la respiration de ces énormes bêtes noires et blanches. Prenant son courage à deux pattes, la féline ferma les yeux et prit une grande inspiration, avant de pénétrer à tâtons dans cet étrange et hostile endroit…

[Hors-RP: arrêt du post ici pour lancé de dés.]

Le sol de la grotte était humide et froid. Ses coussinets lui semblaient pâteux, ce qui la fit frissonner. Comme de nombreux chats, Danse du Léopard aimait conserver une robe soyeuse et surtout une hygiène irréprochable. Une toilette deux fois par jour - à l’aube et au crépuscule - voire plus était le strict minimum! Et imaginer une eau crasseuse recouvrir ses belles pattes qu’elle devrait laver plus tard lui donna la nausée. Désormais, elle voulait sortir d’ici le plus vite possible!
Regardant derrière elle, elle observait l’entrée de la grotte rapetisser petit-à-petit jusqu’à ne plus devenir qu’un point. Puis elle s’arrêta net, entendant un étrange bruit venant de l’entrée. Ce bruit s’approchait de plus en plus, jusqu’à devenir presque visible. Et à l’odeur, Danse du Léopard découvrait avec horreur l’identité de ce nouveau visiteur: un raton-laveur. Malheur! Il y avait déjà les blaireaux dont elle devait s’occuper, alors pourquoi fallait-il qu’un autre animal vienne la déranger, surtout à ce moment? Pendant un instant, la guérisseuse se mit à regretter cette idée de voyage. Mais elle se rassura par elle-même. En l’observant d’un peu plus près, et surtout du mieux qu’elle pouvait faire, la luminosité n’était pas très élevée en ces lieux, la petite bête semblait jeune. Sans doute était-elle venue jusqu’ici par curiosité en voyant le félin pénétrer dans l’antre des blaireaux?

Danse du Léopard ne savait pas grand chose sur ces animaux aux pattes semblables à celles des bipèdes, mais elle avait quelques notions: s’ils détestaient les chats - de manière généralement réciproque - ils étaient d’un naturel atrocement curieux, ce qui leur coutait parfois la vie. Cette hypothèse fut confirmée lorsque le mammifère se dressa sur ses pattes arrières pour toucher dans tous les sens le visage et les oreilles de la chatte. La guérisseuse émit un léger grognement pour le mettre en garde: fais moi mal et tu le regretteras - ce qui n’était que du bluff, cette chatte étant une bien piètre combattante. Semblant se parler à lui-même, le raton-laveur couinait dans un bruit semblable à un oiseau malade en fin de vie. Un bruit très léger, mais amplifié par l’écho. La chatte tachetée n’y prêta tout d’abord pas attention, et quelle erreur!
Au bout de quelques minutes, elle vit le raton-laveur lever la tête avant de détaler à toute vitesse vers l’entrée. Et lorsqu’elle se retourna, elle ne fut pas surprise quoiqu’effrayée: deux immenses blaireaux, mécontents de cette intrusion, se tenaient devant elle, debout sur leurs pattes arrières et montrant les crocs. Clairement, ils n’étaient pas la pour faire la toilette ou partager un campagnol.

Sans perdre une seconde, le chat au pelage de léopard prit ses pattes à son cou, se faufilant entre les deux énormes blaireaux et courant à toute vitesse. Par chance, en dépit d’une bonne technique de combat et de défense, la guérisseuse était excellente… pour la fuite!! Poursuivie par ces deux prédateurs, elle fit soulagée lorsqu’elle constata qu’ils étaient assez lents - elle les imaginait plus rapides. Et alors, étant trop occupée à regarder derrière elle pour observer là où elle se dirigea, elle mit quelques instants à se rendre compte que ses pattes avaient foulés une motte d’herbe. La sortie à deux queue de renard de là! Enfin! Elle avait réussi la première étape, désormais, elle ne pouvait plus reculer. Mais Danse du Léopard ne s’en inquiéta pas pour l’instant. Dès qu’elle trouva un endroit confortable où s’installer, elle entreprit une toilette longue et minutieuse, comme si toute cette aventure n’avait été qu’un petit détail de sa journée.